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Bab’ Aziz, le prince qui contemplait son âme

Synopsis

Perdues dans un océan de sable, deux silhouettes cheminent : Ishtar, une petite fille pleine d’entrain, et son grand-père Bab’Aziz, un derviche aveugle. 
Elle le guide vers la grande réunion des derviches qui a lieu tous les trente ans, mais pour trouver cet endroit secret, il faut "écouter le silence infini du désert avec son coeur".

Leur voyage à travers l’immensité brûlante les amène, tel un jeu de pistes, à la croisée d’autres destins.

Réalisateur(s) : Khemir, Nacer

Pays de production : Tunisie

Type : Long métrage

Genre : Drame , Fiction

Edition du festival : Maghreb des films octobre 2011

Année : 2005

Durée : 96’

Scénario : Nacer Khemir

Montage : Isabelle Rathery

Musique : Armand Amar

Image : Mahmoud Kalari

Costumes : Maud Perl

Production : Les Films du Requin, Behnegar, Pegasos Film and Hannibal Film in co-production with Inforg Studio an

Distribution : Gebeka Films

Avec : Parviz Shahinkhou, Maryam Hamid, Nessim Khaloul

« Le désert est à la fois un champ lit­té­raire et un champ d’abs­trac­tion. C’est un des rares lieux où se réu­nis­sent à la fois l’infi­ni­ment petit, un grain de sable, et l’infi­ni­ment grand, des mil­liards de grains de sable, le désert.(...) Dans chaque mot arabe qu’on pro­nonce, il y a un peu de sable qui suinte. »
N. Khemir

Extrait

CRITIQUE

Bab’Aziz et sa petite fille Ishtar che­mi­nent de dune en dune. Ils savent où ils vont – à la grande réu­nion des der­vi­ches. Mais ni l’un ni l’autre ne connais­sent l’iti­né­raire à suivre. En effet, la voie qui conduit à la fête est avant tout un che­mi­ne­ment inté­rieur.
Le film de Nacer Khemir est une quête. Comme dans un conte, ce que les per­son­na­ges vont trou­ver au bout du chemin a moins d’impor­tance que le trajet lui-même. Car la route est par­se­mée de récits et de per­son­na­ges qui éclai­rent chacun à leur manière un petit bout du mys­tère. Et ce mys­tère, c’est l’islam, une spi­ri­tua­lité que le réa­li­sa­teur a voulu repré­sen­ter sous sa forme soufi. Une reli­gion fondée sur l’amour, où règne l’échange et non la vio­lence, où l’accom­plis­se­ment est avant tout inté­rieur. Une sagesse qui tra­verse le film de part en part. Les per­son­na­ges se ren­contrent, se quit­tent et se retrou­vent pour mieux figu­rer un cycle basé sur la trans­mis­sion. Ishtar écoute les his­toi­res de son grand-père, les habits de der­vi­ches revien­nent à celui qui a suf­fi­sam­ment regardé en lui-même pour trou­ver la paix inté­rieure. Et sur­tout, la musi­que et la poésie sont les fils conduc­teurs pri­vi­lé­giés, liens entre les per­son­na­ges et sub­stance du récit.
Le désert ren­voie à l’ori­gine même de la langue arabe, des mots subli­més par la poésie du Moyen-Age et chan­tés par les per­son­na­ges. Source de vie, la musi­que pro­vo­que la ren­contre, elle permet au corps de s’expri­mer, comme dans cette scène pres­que irréelle où Ishtar et son grand-père dan­sent devant des musi­ciens ren­contrés au milieu du désert. En miroir à l’ora­lité tra­di­tion­nelle, l’image est elle aussi poésie. Si Nacer Khemir aime la parole, il sait que sa force est dans sa capa­cité à évo­quer des formes, des cou­leurs et du son. Les éten­dues de sables, pay­sa­ges de soli­tude où l’homme est face à lui-même, sont le décor pri­vi­lé­gié de ces his­toi­res qui se super­po­sent pour mieux trou­ver leur signi­fi­ca­tion les unes par rap­port aux autres.
Peut-être le per­son­nage d’Ishtar est-il le seul à ne rien cher­cher d’autre que cette réu­nion de der­vi­ches, cet aban­don total dans la fête comme peut le dési­rer un enfant. La petite fille est dans cet entre-deux, un désir encore naïf de plé­ni­tude asso­cié à une gra­vité d’adulte lorsqu’elle écoute les récits de tous ceux qui recher­chent l’amour, réel ou sym­bo­li­que. Bien loin de l’enfance ou des désirs des hommes, le vieillard Bab Aziz veut retrou­ver dans son der­nier voyage la connais­sance ori­gi­nelle de l’uni­vers. Une sagesse abso­lue qui n’appar­tient déci­dé­ment pas au monde phy­si­que.

Julie Pétignat, Clap Noir