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MdF en juin/juillet 2012 : les éditos


“Oui, je me battrai, parce que j’ai vécu dans ce pays que je crois être le mien”

“Vous vous dites que l’avenir sera meilleur pour tous, que l’indépendance ou tout au moins l’égalité assurera à vos enfants une existence digne et heureuse mais vous ne pouvez rien garantir à vos enfants en dehors de la minute présente (…). Alors il vous arrive de vous interroger sur la valeur des mots dont vous ne comprenez plus le sens. Qu’est-ce que la liberté ou la dignité ou l’indépendance ? Où est la vérité, où est le mensonge, où est le remède ? Plus souvent il vous arrive d’être las, de ne plus pouvoir songer à rien, de ne plus sentir le poids qui vous écrase ou de vous dire simplement : bah ! Tout ceci finira !”

Extrait du journal de Mouloud Feraoun
2 novembre 1956

Ce 50ème anniversaire de l’indépendance de l’Algérie, tel que nous l’avons
conçu, à travers une quarantaine de films, est d’abord un hommage.
Il entend célébrer cet évènement, dans le respect de ce qu’il incarne
historiquement et de la place qui est la sienne dans la longue liste des
luttes de libération qui ont marqué la deuxième moitié du siècle dernier.
Il espère aussi avoir su prendre à revers nombre de clichés qui
persistent
 : l’attitude des pieds noirs, plus diverse qu’uniforme ; celle des
appelés prétendument dociles – or beaucoup de réfractaires et d’insoumis
parmi eux ; la fausse unanimité de la société française – à contrario d’une
mobilisation certaine et active en faveur du peuple algérien et de son
indépendance ; l’homogénéité de façade du mouvement de libération
nationale…

Le Maghreb des films

En cette année de commémoration de la fin d’une guerre de plus de sept années qui déboucha sur l’indépendance de l’Algérie, après avoir proposé en avril, autour d’une vingtaine de films, un hommage au cinéaste René Vautier, engagé auprès des Algériens en lutte, le Maghreb des Films souhaite revenir sur l’histoire croisée de la France et de l’Algérie, sur la longue durée.

Au cours d’une quarantaine de séances, réparties entre l’Institut du Monde Arabe (du 22 au 25 juin), La Clef (26 juin) et le cinéma Les 3 Luxembourg (du 29 juin au 8 juillet), une vaste sélection de documentaires et de fictions évoquera donc le devenir mêlé de la France et de l’Algérie, depuis la conquête française en 1830, jusqu’aux premières années de l’indépendance algérienne, après 1962.

Nous avons fait ce choix chronologique large car il ne nous paraît pas possible de comprendre la guerre d’Algérie (les conditions de son déclenchement, sa durée, les violences extrêmes qui s’y déchaînèrent, dans les deux camps, la complexité des forces en présence…) si l’on ne jette pas un regard en arrière sur l’histoire coloniale qui a façonné les relations entre les deux pays : la brutalité de la conquête, les transformations de la société traditionnelle algérienne, l’installation progressive d’une colonie de peuplement, enracinée génération après génération, mais fondée en grande partie sur la spoliation de la terre… Les huit années de la guerre d’indépendance se trouvent ainsi éclairées par la compréhension de cent trente-deux années de colonisation française en Algérie.

Cette sélection de films souhaite par ailleurs restituer la diversité et la complexité des acteurs en présence pendant cette guerre, qui, aussi bien sur le sol algérien que sur le sol français, fut, au-delà de l’affrontement franco-algérien, également une guerre civile franco-française et algéro-algérienne.

Le cinéma algérien des premières années de l’indépendance, rarement montré sur les écrans français, offre à la fois une vision documentaire rare des premiers pas du nouvel Etat lancé sur le chemin de la reconstruction, et, à travers les fictions, la construction d’une mémoire et d’un mythe national. La programmation que nous vous proposons vous permettra de voir ou revoir des œuvres rarement diffusées en France (notamment, Algérie année zéro de Marceline Loridan-Evans et Jean-Pierre Sergent ; les courts-métrages réalisés dans les maquis algériens par René Vautier et son équipe de cinéastes de l’ALN ; Elles et Algériennes, trente ans après d’Ahmed Lallem ; Décembre de Mohammed Lakhdar-Hamina ou Tahia ya Didou de Mohamed, mais également des productions documentaires récentes, parfois inédites, comme le film que Malek Bensmaïl et Marie Colonna consacrent à cette année 1962 - charnière d’un monde à l’autre - 1962, de l’Algérie française à l’Algérie algérienne, qui sera projeté en avant-première.

Pour compléter ces projections, des rencontres avec des réalisateurs, des acteurs, des témoins et des historiens rythmeront la programmation.

Marie Chominot, docteur en histoire contemporaine